Retour aux articles

La semaine du droit du travail

Social - Contrôle et contentieux
22/03/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés de la Chambre sociale de la Cour de cassation en droit du travail, la semaine du 22 mars 2021. Une dizaine d’arrêts cette semaine, dont deux FS-P+I. Nous retiendrons plus particulièrement celui relatif à l'administration de la preuve en matière de harcèlement moral.
 
L’enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral ne constitue pas une preuve déloyale
D’abord, selon l’article L. 1222-4 du Code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Ensuite, si l'employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal.
Pour écarter le compte-rendu de l’enquête confiée par l’employeur à un organisme extérieur sur les faits reprochés à la salariée, la cour d’appel a retenu que celle-ci n’avait ni été informée de la mise en oeuvre de cette enquête ni entendue dans le cadre de celle-ci, de sorte que le moyen de preuve invoqué se heurtait à l’obligation de loyauté et était illicite.
En statuant ainsi, alors qu’une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du Code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié, la cour d’appel a violé par fausse application le texte et le principe susvisés. Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597 FS-P+I
 
Licenciement économique collectif : les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l’employeur n’ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés
Il résulte l’article L. 1233-4 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 que l’employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l’employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n’ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement.
Pour dire les licenciements de Mmes U..., T... et M. S... dépourvus de cause réelle et sérieuse et condamner l’employeur à payer à chaque salarié des dommages-intérêts à ce titre, l’arrêt retient que dans ses lettres de recherche de reclassement adressées aux sociétés du groupe, l’employeur fait état de la suppression de plusieurs postes de travail qu’il liste de façon générale et abstraite en indiquant uniquement l’intitulé et la classification de l’ensemble des postes supprimés sans apporter aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés notamment quant à leur âge, formation, expérience, qualification, ancienneté.
En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que les lettres de demande de recherche de postes de reclassement étaient suffisamment précises, la cour d’appel a violé le texte susvisé. Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-11.114 FS-P+I
 
Un salarié, défenseur syndical, partie à une instance prud’homale, ne peut pas assurer sa propre représentation en justice
D’abord, selon l’article R. 1461-2 du Code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile, sous réserve de dispositions particulières. Selon l'article L. 1453-4 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, les parties doivent s'y faire représenter par un avocat ou par un défenseur syndical.
Ensuite, la représentation en justice, prévue par l’article 411 du Code de procédure civile, est fondée sur un mandat. Aux termes de l’article 1984 du Code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.
Il résulte de la combinaison de ces textes qu’un salarié, défenseur syndical, partie à une instance prud’homale, ne peut pas assurer sa propre représentation en justice.
Ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence l'efficacité de la procédure d'appel et une bonne administration de la justice. Elles ne constituent pas une atteinte au droit à l'accès au juge d'appel dans sa substance même. Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-21.349 FS-P
 
PSE : en l'absence de toute procédure de validation ou d'homologation, il appartient à la juridiction judiciaire d'apprécier l'incidence de la reconnaissance d’une UES quant à la validité des licenciements
Il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d’autorisation de licenciement pour motif économique d'un salarié protégé inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée. En revanche, dans le cadre de l'examen de cette demande, il n'appartient à ces autorités, ni d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi ni, plus généralement, de procéder aux contrôles mentionnés aux articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du Code du travail, qui n'incombent qu'au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi compétemment saisi de la demande de validation ou d'homologation du plan (CE, 19 juillet 2017, n 391849, Rec.).
Par ailleurs, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour (Soc., 16 novembre 2010, pourvoi n° 09-69.485, 09-69.486, 09-69.487, 09-69.488, o 09-69.489, Bull. 2010, V, n 258) que, si les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur, il en va autrement lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale, la décision de licencier a été prise au niveau de cette UES.
Il en résulte qu’en l'absence de toute procédure de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à la juridiction judiciaire d'apprécier l'incidence de la reconnaissance d’une UES quant à la validité des licenciements, dès lors qu’il est soutenu devant elle que les licenciements auraient été décidés au niveau de cette UES, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement d’un salarié protégé, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-16.947 FS-P
 
Droit à la preuve en matière de discrimination et communication d’informations non anonymisées
Pour débouter la salariée de sa demande tendant à ce que la société soit condamnée à lui verser une certaine somme au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire, l'arrêt retient que le bulletin de paie d'un salarié comprend des données personnelles telles que l'âge, le salaire, l'adresse personnelle, la domiciliation bancaire, l'existence d'arrêts de travail pour maladie ou encore de saisies sur leur rémunération et que, dans ces conditions, la société était légitime, préalablement à toute communication de leurs données personnelles à la salariée, à rechercher l'autorisation de ses salariés. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la communication des informations non anonymisées n'était pas nécessaire à l'exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Cass. soc., 16 mars 2021, n° 19-21.063 F-P
 
Salariés mis à disposition : l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que la diffusion des communications syndicales puisse leur être assurée
En vertu des articles L. 2142-3 à L. 2142-7 du Code du travail, les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale au sein de l’entreprise peuvent diffuser des communications syndicales aux salariés de l’entreprise. Les salariés mis à disposition d’une entreprise extérieure, qui demeurent rattachés à leur entreprise d’origine, doivent pouvoir accéder à ces informations syndicales. Il appartient en conséquence à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires, en accord avec l’entreprise utilisatrice, pour que la diffusion des communications syndicales puisse être assurée auprès des salariés mis à disposition. Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-21.486 FS-P
 
Révocation à la suite du retrait d’un agrément puis annulation de la décision administrative : le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
En premier lieu le principe selon lequel les actes administratifs annulés pour excès de pouvoir sont réputés n’être jamais intervenus n’entraîne pas en lui-même la nullité d’une mesure prise par l’employeur en considération de la décision administrative annulée.
En revanche, selon une jurisprudence établie de la Cour de cassation (Soc., 25 mars 2009, pourvoi n° 07-45.686, Bull. 2009, V, n° 86 ; Soc., 4 mai 2011, pourvoi n° 08-44.431 ; Soc., 2 mars 2011, pourvoi n° 09-67.990), en raison de l’effet rétroactif s’attachant à l’annulation de la décision préfectorale, le salarié est réputé n’avoir jamais perdu l’agrément administratif nécessaire à l’exercice de ses fonctions, en sorte que le licenciement prononcé pour ce seul motif est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En second lieu, la cour d’appel a constaté que la révocation du salarié a été prononcée par la RATP, par la décision du 17 décembre 2015, aux motifs, d’une part de l’abrogation par le préfet de police de l’autorisation de port d’arme, d’autre part de la motivation de la décision d’abrogation selon laquelle le comportement du salarié est de nature à laisser craindre une utilisation dangereuse pour autrui des armes qui lui sont confiées pour assurer ses missions.
Elle en a déduit à bon droit que la décision de révocation du salarié n’avait pas été prise par l’employeur en raison de ses convictions religieuses et de ses opinions politiques, mais en raison d’un risque d’atteinte aux personnes qui, s’il s’est révélé ultérieurement infondé, est étranger à toute discrimination en raison des convictions religieuses et des opinions politiques, de sorte que si la révocation du salarié était sans cause réelle et sérieuse du fait de l’annulation par la juridiction administrative de l’arrêté du préfet de police retirant l’habilitation du salarié au port d’une arme, la demande de nullité de cette révocation et de réintégration devait être rejetée.
Il en résulte que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches. Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-23.042 FS-P
 
La jurisprudence critiquée de la Cour de cassation qui admet, dans le cadre d'un contrôle « a posteriori », qu'un licenciement économique puisse être dénué de cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur a commis une faute à l'origine du motif économique invoqué, repose sur des critères suffisamment précis. Elle n'est pas de nature à faire obstacle au droit de l'employeur de licencier et partant à l'effet utile de la directive 98/59. Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-12.025 FS-P

 
Suspension de l’ARE en raison de déclarations inexactes ou d’attestations mensongères : les organismes de l’assurance-chômage peuvent interrompre le service de l'allocation d'assurance en cas d'extinction du droit à l'allocation
Selon l'article 34 du règlement annexé à la convention du 1er janvier 2001 relative à l’aide au retour à l’emploi et à l’indemnisation du chômage, le service de l'allocation d'aide au retour à l'emploi doit être interrompu notamment à compter du jour où l'intéressé a fait des déclarations inexactes ou présenté des attestations mensongères en vue de toucher indûment des allocations. Cet article confère aux institutions gestionnaires du régime d’assurance-chômage un pouvoir propre d'interrompre le service de l'allocation d'assurance en cas d'extinction du droit à l'allocation.
Pour condamner Pôle emploi Aquitaine Poitou Charentes à payer au bénéficiaire une certaine somme au titre de ses droits à l’allocation d’assurance-chômage sur la période du 1er février 2007 au 1er juin 2011, l’arrêt retient que, si les organismes de l’assurance-chômage peuvent, en application de l’article R. 351-28 du Code du travail, suspendre le versement de l’allocation d’assurance pendant une durée de deux mois à titre conservatoire et jusqu’à ce que le préfet ait décidé de prendre une mesure de réduction, suspension ou suppression du revenu de remplacement en application de l’article L. 351-18 du même code, il n’apparaît pas que la suppression du revenu de remplacement de M. X ait fait l’objet d’une décision administrative régulière et qu’il n’appartient pas au juge judiciaire d’examiner la qualité antérieure de salarié de l’intéressé et de substituer sa décision à la décision administrative.
En statuant ainsi, alors que l’Assédic avait interrompu le versement de l’allocation d’assurance au motif de l’extinction des droits de l’intéressé résultant de la remise en cause de la qualité de salarié qu’il avait déclarée en vue de l’ouverture de ses droits et non à titre de sanction de suspension ou de suppression du revenu de remplacement, la cour d’appel a violé le texte susvisé. Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-10.914 FS-P
 

 
 
 
 
 
 
Source : Actualités du droit