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La semaine du droit du travail

Social - Contrat de travail et relations individuelles
10/11/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés de la Chambre sociale de la Cour de cassation en droit du travail, la semaine du 9 novembre 2020. Quatre arrêts sont plus particulièrement à retenir cette semaine. Ils ont d’ailleurs fait l’objet d’une publicité particulière sur le site de la Cour de cassation.
 
Menace sur la compétitivité, faute de l’employeur et office du juge
« Si la faute de l'employeur à l'origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation, l’erreur éventuellement commise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute ».
 Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 18-23.029 FS-P+B+R+I

Le seul fait qu'une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d'une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d'une atteinte à la liberté fondamentale d'agir en justice
« La cour d'appel a constaté, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que les actions en justice engagées portaient sur la question du lieu de pause, soit sur une question sans rapport avec le motif de licenciement, que la lettre de licenciement ne contenait pas de référence à ces actions en justice, que la procédure de licenciement avait été régulièrement suivie et que la lettre de notification du licenciement était motivée en ce qu'elle contenait l'exposé de faits circonstanciés dont il appartient à la seule juridiction du fond de déterminer s'ils présentent un caractère réel et sérieux notamment au regard de la pratique antérieure, des consignes et de la formation reçues et qu'enfin, pour avoir été inopiné, le contrôle terrain n'en était pas moins une pratique dans l'entreprise dont la déloyauté n'était pas en l'état manifeste s'agissant de celui du 29 janvier 2018, ce dont il résultait que le licenciement ne présentait pas de caractère manifestement illicite. Elle en a, sans inverser la charge de la preuve et procédant à la recherche prétendument omise, exactement déduit l'absence d'un trouble manifestement illicite ».
Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 19-12.367 FS-P+B+I
 
Défaut d’organisation d’élections partielles par l’employeur : il appartient au salarié d’apporter la preuve du préjudice
« Il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un préjudice lorsque, l’institution représentative du personnel ayant été mise en place, des élections partielles doivent être organisées du fait de la réduction du nombre des membres élus de l’institution représentative du personnel, les salariés n’étant pas dans cette situation privés d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ».
Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 19-12.775 FS-P+B+I
 
Travail dissimulé : application des règles de conflit de lois dans l’hypothèse du retrait des certificats E101 ou A1 et conditions dans lesquelles la solidarité financière du donneur d’ordre peut être engagée
« La caractérisation de situations de détachement ou d'exercice d'une activité salariée dans deux ou plusieurs États membres au sens des règlements de coordination ressort uniquement à la compétence soit de l'institution compétente de l'État membre dans lequel l'employeur exerce normalement son activité, dans le cas où une situation de détachement est alléguée, soit, dans le second cas, de l'institution désignée par l'autorité compétente de l'État membre de résidence.
15. Le système complet et uniforme de conflit de lois ainsi institué par les titres II des règlements de coordination, en l'absence de fraude et lorsque État membre de résidence et État membre où est exercée l'activité salariée ne coïncident pas, ne confère aux institutions compétentes de ce dernier État ou à ses juridictions nationales aucune compétence pour procéder à une telle caractérisation afin de retenir l'application d'une loi autre que celle de cet État.
16. Dès lors, en l'absence de certificat E101/A1 résultant d'un refus de délivrance ou d'un retrait par l'institution compétente, seule trouve à s'appliquer la législation de l'État membre où est exercée l'activité salariée.
17. Cette conclusion s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable au regard des caractéristiques propres des règlements de coordination et de l'absence de toute difficulté particulière d'interprétation ou de tout risque de divergence de jurisprudence à l'intérieur de l'Union en sorte qu'il n'y a pas lieu de poser de question à titre préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne.
18. Il en résulte que, après avoir constaté que les salariés employés par la société A et mis à disposition des sociétés B et C armatures exerçaient une activité salariée sur le territoire français, à Flamanville, et que les certificats A1/E101 délivrés par l'institution compétente chypriote avaient été retirés, la cour d'appel, sans avoir à procéder à des recherches que ces constatations rendaient inopérantes et sans méconnaître le principe de l'égalité des armes garanti par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, a exactement retenu que ces salariés étaient soumis à la législation française 
».
Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 18-24.451 FS-P+B+R+I

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions

« 5. Pour prononcer la nullité du licenciement et condamner l'employeur au paiement de diverses sommes au salarié et aux syndicats, l'arrêt retient que la révélation des faits d'atteinte à la liberté d'expression dans le cadre d'échanges avec un syndicat est intervenue par la voie de médias par internet lors de la diffusion de l'enregistrement litigieux le 21 mars 2016 puis de l'entretien entre le salarié et un journaliste le 22 mars 2016, alors que M. X avait personnellement et préalablement constaté que son employeur remettait en cause son droit à sa libre communication avec les syndicats de la société Y, au vu des propos tenus par le dirigeant de la société Z lors de l'entretien informel du 16 mars 2016 et de la procédure disciplinaire avec mise à pied conservatoire engagée dès le 18 mars 2016 et suivie d'un avertissement puis de son licenciement pour faute grave. L'arrêt en déduit que le salarié est recevable à invoquer le statut de lanceur d'alerte et en conclut qu'en application des articles L. 1132-3-3 4 969 et L. 1132-3-4 du Code du travail, il y a lieu de prononcer la nullité du licenciement.
6. En statuant ainsi, sans constater que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d'être constitutifs d'un délit ou d'un crime, la cour d'appel a violé
[l'article L. 1132-3-3 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013] ».
Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 18-15.669 FS-P+B
 
Rupture conventionnelle des maires et adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins : il faut une autorisation préalable de l'inspecteur du travail 
« Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 2123-9 du Code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-366 du 31 mars 2015, lorsqu'ils n'ont pas cessé d'exercer leur activité professionnelle, les élus mentionnés au premier alinéa du même article, soit les maires et les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins, sont considérés comme des salariés protégés au sens du livre IV de la deuxième partie du Code du travail. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a décidé que la rupture conventionnelle des maires et adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins qui n'ont pas cessé leur activité professionnelle devait être autorisée préalablement par l'inspecteur du travail ».
Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 19-11.865 F-P+B
 
Entreprise de moins de 50 salariés : quelle protection pour le représentant du personnel ?
« Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel peut être désigné délégué syndical pour le terme de son mandat de délégué du personnel et que, donc, la protection supplémentaire est celle de six mois attachée à sa qualité de délégué du personnel et non celle d'un an attachée à la qualité de délégué syndical s'il a exercé plus d'un an ».
Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 19-12.279 F-P+B
 
Modification d’un PEE : il n’est pas nécessaire d’obtenir le consentement de tous les porteurs de parts
« 11. Aux termes de l'article L. 3332-1 du Code du travail, le plan épargne d'entreprise est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières.
12. Selon l'article R. 3332-3 du Code du travail, le règlement du plan précise les modifications du choix de placement initial pouvant intervenir à l'occasion du départ du salarié de l'entreprise.
13. Il en résulte que la modification du plan réalisée conformément aux règles applicables selon qu'il s'agit d'une décision unilatérale ou d'un accord collectif, s'impose à tous les porteurs de parts, sans qu'il soit besoin de recueillir leur consentement, quelle que soit la date des versements effectués sur leur compte au plan épargne entreprise
 ».
Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 18-20.210 FS-P+B
 
Elections professionnelles
« Mais attendu que les dispositions de l'article L. 2142-1-1 du Code du travail, qui interdisent de désigner immédiatement après l'organisation des élections professionnelles en qualité de représentant de section syndicale le salarié qui exerçait cette même fonction au moment des élections, ne sont pas opposables au syndicat dès lors que la nouvelle désignation intervient à la suite des élections professionnelles organisées en exécution d'un jugement ayant procédé à l'annulation des élections professionnelles à l'issue desquelles le salarié avait précédemment été désigné en qualité de représentant de section syndicale ; que, par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du Code de procédure civile, le jugement se trouve justifié ».
Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 19-13.151 FS-P+B
Source : Actualités du droit